
La route des petits bonheurs ordinaires
Ni influenceur ni insignifiant, j’arpente ma vie, avide d’affection, faute de sens, comptant sur l’errance. La popularité, trop peu pour moi, il faut participer aux concours qu’on perd assurément. Aux utopies grandioses, je réponds par mon petit parcours, fait de milliers de petits sourires, de patience et longueur de temps comme la nature. Des petits bonheurs sans gloire, ils passent inaperçus. On ne remarque pas toujours leurs bienfaits. Je serai comblé, sans que tu me vois, toi l’anonyme qui a senti mon souffle chaud. J’ai vu sa trace sur ton visage heureux, toi qui ne me connais pas. Jamais voit-on le fin travail des petites œuvres, des petits sourires, sur la grande toile de sa vie; pour entrer dans les rêves grandioses, il faut la sacrifier. À l’affût d’un moment de grâce, cherchant une opportunité de partager ma solitude, je me contente du présent car je n’ai pas d’avenir. Le petit train va loin car il est assuré et constant. Ce n’est pas un train qui entre en gare mais un rythme qui donne le temps, le temps de regarder, de vivre et de ramasser les petits bonheurs de Félix dans le fossé. Nul besoin de chercher aux antipodes, en voici deux qui se seraient évanouis sans mon intervention.
La chaleur du chocolat
Le temps ne me presse pas, dans le dépanneur je lèche la vitrine du café, en manque de stimulant. Mon attention se porte alors sur un groupe d’ados. Même calmes on les remarque, ils s’agitent devant le chocolat chaud. À ce moment précis, mon flair me chuchote: « En voulez-vous un ? » Surpris, mais sans crainte, ils répondent candidement oui. Un geste gratuit dissipé dans une minute, peut-être gravée pour toujours dans leur mémoire, prête à servir une conviction.
Il y a pire que toi
Au bout du couloir, un homme dans la salle d’attente du médecin, j’avance et son visage tuméfié, ses bandages deviennent évidents. Une femme et un homme l’accompagnent. Nos regards se croisent et je sens une profonde tristesse. L’homme souffre d’autant plus qu’il se voit défiguré. M’approchant, je lui tends une photo de moi datant de quelques mois seulement. On y voit mon visage bouffi, méconnaissable. «Dans quelques temps plus rien n’y paraîtra, soyez patient». Et la joie de se propager aussitôt dans le triste trio. Accumulez les petits bonheurs et oubliez les grands, qui se font trop rares et ingrats, les petits se construisent en un éclair, un sourire, une main tendue, un geste.
– Jacques Gagnon, ing. Président directeur général d’Imagem