Mères courage ou pactiser avec le diable

Les époques se succèdent, au rythme du sang qui coule. Avant, pendant et après-guerre, homo sapiens dans son incarnation mâle, a multiplié les massacres. Depuis toujours, il a accompli son destin brouillon et violent. Les mâles occupés à mourir à tout prix, les femmes doivent veiller seules à la survie de l’espèce. Prêtes à tous les combats et souffrances, prêtes à tous les courages, elles volent d’un camp à l’autre, d’une idéologie à l’autre comme la mère courage de Bertolt Brecht. Piétinant et ridiculisant ainsi la joute si légère pour la mort que se livrent les mâles. Mourir pour des idées d’accord, mais de mort lente, chantait Brassens. Ces femmes qui sauvent les civilisations, ou les créent plutôt, portent et protègent l’essentiel. Longtemps, elles ont tenu le coup et essuyé les assauts des mâles grâce à la défense solidaire. Femmes des guerres, nous vivons avec la dernière génération de battantes sans ressources, le combat et le courage qui les ont menées à l’extrême. Ayant en poche débrouillardise et solidarité, elles devaient sauver les meubles. Même époque, l’odeur de l’amitié flotte dans l’air avec Hannah Arendt. Sans le savoir, elles font ce qu’Arendt pense. L’amitié, fruit de la rencontre amicale des humains dans tous les sens, le contact, et non dans le choc destructeur des idéologies, voilà leur défense. Pour Arendt, l’amitié c’est la confrontation sincère, à l’abri de la bêtise, la nuance obligatoire à la résolution de conflits. Opposer les idées, les idéologies, est stérile et prête flanc à l’animosité perpétuelle. La sagesse, le respect et la compassion se sont imposés, mais aussi l’amour. Les femmes d’alors ont assumé le destin qu’on leur réservait, mais il aurait pu en être tout autrement. La volonté affranchie du sexe a dominé, pour sauver l’espèce en sorte. Mères courage, vous qui pactisez avec anges et démons, dites-nous comment ils se rejoignent dans votre cœur ? Sinon par l’amitié. 

– Jacques Gagnon, ing., président directeur général d’Imagem